; Examen de l’émission d’une MNBC au Canada | Examen de l’émission d’une MNBC au Canada

Sommaire analytique

Vu la montée rapide des cryptomonnaies et les grandes avancées technologiques qui facilitent l’offre de services financiers, le ministère des Finances, le BSIF, la Banque du Canada (BdC) et d’autres organismes fédéraux s’efforcent de comprendre l’impact possible de ces innovations sur le secteur financier. Les décideurs, les organismes de réglementation et les organismes normatifs internationaux ont signifié leurs préoccupations au sujet des possibles retombées de la croissance des cryptomonnaies, y compris les cryptomonnaies stables, sur l’ensemble du secteur financier. Jusqu’à un certain point, ces innovations ont stimulé les banques centrales partout dans le monde, dont la BdC, à travailler sur l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC).

En février 2020, la BdC a publié un plan de prévoyance où elle décrit son intention de se doter de moyens pour émettre une MNBC semblable à de l’argent comptant si le besoin se faisait sentir. Certes, l’émission d’une MNBC n’est pas garantie, mais la BdC a identifié deux scénarios qui la pousseraient à agir dans ce sens : net déclin de l’acceptation de l’argent comptant ou forte possibilité d’une adoption généralisée de monnaies numériques alternatives. Au-delà des considérations politiques clés décrites dans le plan de prévoyance, la BdC se penche également sur les possibles modèles de distribution et les éléments techniques d’une telle monnaie. Notamment, elle examine le rôle du secteur privé (c.‑à‑d., le rôle des entités bancaires et non bancaires) ainsi que les répercussions possibles sur l’écosystème au sens large. Récemment, dans son budget de 2022, le gouvernement a annoncé un prochain examen législatif mené par le ministère des Finances qui se penchera sur la possibilité d’émettre des MNBC.

Si une MNBC de détail est émise au Canada, il y aura de vastes répercussions sur l’économie, sur le système financier et sur les opérations de la Banque du Canada1. Malgré les possibles avantages de l’émission d’une MNBC de détail, les objectifs derrière cette émission doivent être clairs et confirmés à la lueur des risques auxquels sera exposé l’équilibre du secteur financier. Plus particulièrement, le risque principal qui pourra découler de l’émission d’une MNBC de détail sera la désintermédiation des dépôts bancaires et ses effets, y compris les répercussions sur les sources de financement des banques et la capacité de ces dernières à fournir du crédit. Selon sa conception et ses aspects techniques, une MNBC de détail suscitera également des préoccupations en ce qui a trait à la vie privée, aux crimes financiers et à la sécurité et résilience du système de MNBC global. Il faudra traiter tous ces éléments afin de maintenir la confiance dans le secteur financier.

Les avantages potentiels d’une MNBC pour calmer les inquiétudes relatives à une adoption généralisée des monnaies numériques alternatives et aux inefficacités des paiements transfrontaliers méritent qu’on s’y penche. Le paysage réglementaire des monnaies numériques, dont les cryptomonnaies stables, poursuit son évolution au Canada et ailleurs. Élargir le champ d’application de la loi en vue de tenir compte de ces innovations, comme l’envisagent les autorités fédérales, conjointement aux améliorations soutenues à l’écosystème de paiements au Canada, pourra soulager les préoccupations de la BdC à l’égard d’une large adoption de monnaies numériques alternatives. Également, nous sommes d’avis qu’il existe de nombreuses autres solutions que la MNBC qu’il faudra explorer pour améliorer l’efficience des paiements transfrontaliers. À cette fin, nous soutenons la collaboration régulière entre la BdC et les partenaires internationaux, y compris le Conseil de stabilité financière (CSF), en vue de régler le problème des inefficacités dans les paiements transfrontaliers.

Ainsi, l’ABC a identifié les facteurs clés suivants qui doivent être pris en compte par la BdC dans le cadre de ses efforts visant l’émission de MNBC au Canada.

  • La stabilité du secteur financier ne doit pas être ébranlée par l’émission d’une MNBC de détail.Veiller à la stabilité et à l’efficience du système financier est une fonction essentielle de toute banque centrale. Il est donc essentiel de se pencher sur les risques de désintermédiation qui pourront augmenter en raison d’une MNBC de détail, y compris l’impact sur les prêts bancaires. Bien que les recherches préliminaires de la BdC laissent penser que les DSIB pourront résister aux effets négatifs possibles sur le revenu net et la liquidité en présence d’une MNBC de détail, nous sommes d’avis que l’impact potentiel sur les dépôts bancaires est sous-estimé et mérite un examen plus approfondi. Une attention particulière devra être accordée à l’évaluation des risques susceptibles de s’aggraver en période de stress financier, et aux potentielles conséquences à long terme sur les dépôts. Également, pour décourager les fuites de dépôts, il faudra envisager des mesures d’atténuation efficaces (p. ex., les limites sur les avoirs) et évaluer l’effet qu’aura leur mise en œuvre sur les avantages perçus de l’introduction d’une MNBC (p. ex., les contraintes pourraient limiter la demande/l’utilisation).
  • Une MNBC de détail ne devra pas entraver les projets en cours de développement, comme la modernisation des paiements.Le Canada a entamé un processus de modernisation de ses systèmes de compensation et de règlement, parallèlement à la construction d’une plateforme de paiements de détail (the Real‑Time Rail) susceptible de fournir aux consommateurs des solutions de paiement plus rapides, plus efficaces et plus sécuritaires. Nous sommes certains que ces investissements mèneront à une meilleure infrastructure des paiements au Canada. Si la BdC venait à émettre une MNBC, la technologie qui y serait associée ne devrait pas concurrencer les solutions offertes par le secteur privé et devrait être utilisable avec les systèmes de paiement futurs et leurs technologies connexes.
  • Conjointement avec une réglementation et une surveillance efficaces des monnaies numériques alternatives, les solutions des banques commerciales pourront bien répondre aux préoccupations de la Banque du Canada à l’égard du remplacement du dollar canadien. Le système de paiements du Canada récolte les bénéfices des efforts et des investissements collectifs faits par les banques en vue de rendre les paiements plus efficaces et plus pratiques dans l’ensemble. Avec le haut niveau de commodité actuel et les améliorations planifiées pour l’avenir, nous sommes d’avis que la probabilité d’une large adoption de monnaies numériques stables à court terme au Canada est faible. Toutefois, si ce scénario venait à changer, une réglementation et une surveillance plus strictes des monnaies numériques stables pourraient contrer les nombreux risques qui leur sont associés tout en atténuant les inquiétudes de la BdC à l’égard du dollar canadien. Contrairement aux émetteurs actuels (non bancaires) de monnaies numériques stables, les banques commerciales répondent à des exigences réglementaires strictes, bénéficient d’une assurance sur les dépôts qu’elles détiennent et sont assujetties à un régime complet de protection des consommateurs. Ainsi, nous sommes d’accord avec la position du CSF qui refuse le lancement de toute monnaie numérique stable avant qu’il n’y ait une résolution adéquate des risques et des problèmes. Au Canada, nous encourageons la BdC à collaborer avec le ministère des Finances pour coordonner un examen législatif du secteur financier qui sera centré sur la numérisation de la monnaie et le maintien de la stabilité et de la sécurité de ce secteur.
  • Un système de MNBC de détail devra trouver le juste milieu entre la protection de la vie privée des consommateurs et la prévention du crime financier. Un possible système de MNBC mènera à une dichotomie entre la protection des renseignements personnels et la lutte contre le crime financier, ce qui entraînerait un manque de confiance de la part des consommateurs dans un tel système. Compte tenu des préoccupations relatives au crime financier, il est peu probable qu’une MNBC canadienne soit en mesure d’offrir le même niveau d’anonymat et de confidentialité que l’argent liquide. Un aspect essentiel des plans de prévoyance de la BdC est l’évaluation de la possibilité de réaliser un juste équilibre entre la protection des renseignements personnels des consommateurs et le niveau adéquat de transparence pour décourager le crime financier (ce qui implique la communication de renseignements personnels en conformité avec les attentes réglementaires). L’analyse de différents modèles économiques et dispositifs techniques permet de déterminer le degré de protection des renseignements personnels d’une MNBC et fera partie intégrante de cette recherche. Si les consommateurs ne font pas confiance à une MNBC canadienne ou qu’ils ont l’impression que la BdC ne répond pas adéquatement aux préoccupations en matière de protection des renseignements personnels, l’adoption d’une MNBC par le public pourra en pâtir.
  • Il est primordial d’assurer la résilience d’un système de MNBC au Canada pour renouveler la confiance des consommateurs dans le secteur financier. Au‑delà des menaces aux avoirs d’un particulier, un écosystème de MNBC serait une cible de grande valeur pour les acteurs malveillants. La résilience opérationnelle et la mise en œuvre de mesures de cybersécurité devraient être des composantes fondamentales d’un éventuel système de MNBC. À l’instar des systèmes de paiement existants au Canada, tous les intervenants, notamment les entités participant à l’émission et à la distribution d’une éventuelle MNBC canadienne, devraient adopter les normes les plus strictes en matière de sécurité et de protection des données. Un important déraillement dans les infrastructures qui sous‑tendent la MNBC se répercutera négativement sur l’ensemble du secteur financier. L’idée qu’une MNBC, même avec des capacités hors ligne, améliorerait la résilience du paysage des paiements en se posant en méthode de paiement auxiliaire semble exagérée. En effet, les systèmes de paiement traditionnels ont été conçus avec comme idées centrales la gestion des risques, la résilience et les mesures de prévoyance (p. ex., principes pour les infrastructures de marchés financiers, régime de rétablissement et de résolution) afin d’atténuer les risques de pannes.
  • L’émission d’une MNBC est l’une des nombreuses solutions de rechange qui pourraient être envisagées en vue d’améliorer les paiements transfrontaliers. La résolution des problèmes liés aux paiements transfrontaliers est une question complexe que les banques s’efforcent de résoudre en coordination avec les acteurs publics et privés. Il est possible de surmonter de différentes façons les obstacles liés aux paiements transfrontaliers : mise au point des systèmes de paiement en temps réel, adoption des normes ISO 20022, mise en œuvre des solutions de SWIFT, résolution du problème de l’interopérabilité. Nous soutenons les efforts de coopération de la Banque du Canada avec d’autres banques centrales et à travers le Conseil de stabilité financière (CSF) qui tendent à résoudre les problèmes d’inefficacité associés aux paiements de règlement et transfrontaliers dans le système actuel, notamment en abordant le rôle des banques centrales dans le processus.
  • L’émission potentielle d’une MNBC devrait être envisagée dans le cadre des débats politiques plus vastes concernant les incidences sur le secteur financier. Le secteur bancaire subit déjà des changements à travers des initiatives comme la modernisation des paiements et la numérisation croissante du secteur. Outre la surveillance réglementaire des nouveaux acteurs, nous encourageons la BdC à adopter une approche globale dans son évaluation de l’incidence des MNBC sur les banques, parallèlement à d’autres initiatives qui se répercutent actuellement sur le secteur bancaire (p. ex., le système bancaire ouvert, les finances autogérées et les changements apportés aux directives réglementaires concernant les risques financiers et non financiers), ou sont susceptibles de se répercuter à l’avenir. Compte tenu de la nature interfonctionnelle de cette question, nous sommes heureux de constater la collaboration et la coordination entre la BdC et d’autres autorités nationales et étrangères dans le but d’assurer une approche bien coordonnée et globale.

Sur fond de croissance de la numérisation dans le secteur financier, l’ABC et ses membres sont déterminées à travailler avec la BdC et d’autres intervenants pour explorer les questions et les considérations générales soulevées dans le plan de prévoyance de la BdC.

Notre secteur est tout prêt à échanger avec la BdC et ses partenaires gouvernementaux au sujet de l’effet de la numérisation de la monnaie sur la stabilité, l’intégrité et la sécurité du secteur financier, tout en promouvant un environnement qui favorise la concurrence et l’innovation pour que le secteur financier canadien ait beau jeu d’exploiter les avantages d’une économie numérique axée sur les données.


1 J. PRESSE (3 janvier 2022). « Federal documents hint at sweeping economic impact from Bank of Canada 'digital loonie' » The Globe and Mail, https://www.theglobeandmail.com/business/article-federal-documents-hint-at-sweeping-economic-impact-from-bank-ofcanada/

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